TRANSFORMER ENSEMBLE LE QUARTIER

Retour sur 7 années d’une aventure humaine et sociale

Entre 2009 et 2016, le cabinet Deffontaines a mené à Amiens une action d’accompagnement et de transformation d’un quartier populaire, axée sur la participation citoyenne et des acteurs locaux. Ce projet, qui finalement a impliqué environ 500 personnes, a été financé principalement par la collectivité et soutenu par l’État. On peut le voir comme la genèse du projet des « oubliés de la politique », en voici les résultats.

ORIGINES ET METHODES

La genèse du projet

Un constat. Celui d’un besoin de démocratie, du besoin d’impliquer davantage les acteurs locaux dans la prise de décision et dans son exécution pratique. Le constat d’une légitimité pas toujours certaine ni centrale. Une perception variable selon les habitants, les milieux, et les institutions, avec une complexité dans les relations mutuelles.

Dans ce contexte, en 2008, la municipalité amiénoise décide de nommer un premier adjoint au maire, responsable de la démocratie et de la participation citoyenne. Aussitôt nommé, il se met au travail et sollicité le cabinet Deffontaines pour une rencontre. La discussion est lancée, le sujet est identifié, et après les étapes protocolaires il est décidé de lancer en mai 2009, devant une cinquantaine de personnes, un projet complexe. 

C’est le début de sept années d’une aventure humaine et sociale.

Des objectifs simples mais une complexité de mise en application

L’ambition initiale du projet est simple :

  • Provoquer la rencontre entre habitants, professionnels et institutions ;
  • Construire de nouvelles formes de coopération, au-delà des préjugés ;
  • Redonner de la légitimité à ceux qui se sentent impuissants ;
  • Initier un processus démocratique participatif, dans une logique de réseau plus que de structure figée

Si ces objectifs paraissent évidents sur le papier, le processus s’est construit lentement, parfois laborieusement. Il a fallu surmonter les difficultés de mobilisation, les méfiances, les tensions historiques, notamment autour de la police, les institutions, la précarité ou encore le sentiment d’abandon. Ce qui a commencé autour d’a priori naturels entre les uns et les autres, a fini par un projet fait de mixités culturelles, de blessures sociales, de clans, mais finalement d’une forte richesse humaine.

La méthode et le rôle de l’intervenant

La première étape de ce projet a été celle de l’intervenant et de sa réflexion sur son rôle, son positionnement et sa légitimité. Dans ce projet, Bruno Deffontaines, au travers du cabinet Deffontaines, s’est positionné comme un « guérisseur blessé » qui utilise ses fragilités comme atout. Le parcours de ce dernier et sa propre construction lui permettent de comprendre la dualité, et de réduire la distance entre l’intervenant et les participants du projet.

Somme toute, c’est de la thérapie sociale comme outil de médiation dont il est objet dans ce travail. Elle repose sur :

  • La reconnaissance de l’imperfection comme vecteur d’authenticité ;
  • Le travail en réseau, plutôt qu’en silo ;
  • L’acceptation du chaos comme terreau de réinvention
  • La distance réflexive, permise par la supervision régulière

L’intervenant se positionne comme un « homme de l’entre-deux », ni extérieur, ni complètement intégré, capable d’incarner une fonction d’interprète entre institutions et terrain. C’est la force du projet et c’est ce qui a permis sa vitalité pendant 7 années. 

LE PROJET

Après la mise en place institutionnelle du projet, ce dernier a enfin pu commencer en 2009. Le protocole évacué, place à l’action.

2009-2010 :    Apprendre à se connaitre, construire son réseau, se comprendre

En Mai 2009, une première réunion a lieu en mairie. Sont présents une cinquantaine de personnes, incluant élus et responsables associatifs. Des petits groupes se mettent en place, l’échange est ainsi favorisé par l’éclatement et la mise en dialogue. Il faut apprendre à oser, apprendre à se tromper, déconstruire ses représentations et préjugés. Le projet démarre.

Cette première rencontre donne suite à une deuxième. Cette fois-ci, il faut sortir des institutions et de la zone de confort. Une tente est installée dans un quartier populaire pour cadrer la rencontre. Une nouvelle fois, une cinquantaine de participants mais peu d’intérêt pour les exercices proposés. Les échanges sont spontanés mais peu constructifs : ils font part de revendication personnelles. La réalité du terrain s’installe, tâche à l’animateur de ne pas se laisser déborder par son ressenti premier.

Au fil du temps, le constat se solidifie : il est difficile de mobiliser et de dépasser la méfiance des nouveaux acteurs que représentent les intervenants sur le quartier. Les acteurs associatifs, en plus des habitants, représentent un défi supplémentaire puisqu’il s’agit pour eux de ne pas être perturbés dans leur action. La disponibilité des uns et des autres est un véritable sujet.

Le point de déblocage va être la création d’alliance pour créer de l’engagement. Il faut créer des alliances basées sur les intérêts communs, en comprenant les motivations individuelles pour susciter de l’engagement, peu importe leur nature. De là, un réseau d’acteurs s’est progressivement construit et a facilité la communication et le déroulement du projet. L’animateur doit régulièrement, en parallèle, rencontrer ceux qui ne participent pas aux réunions. Le rôle de l’informel est primordial, ainsi que celui de la légitimité des participants lors des décisions.

De là, le projet évolue lentement mais surement. Au total, une trentaine de rencontres collectives, une confiance qui se renforce mais toujours fragile du fait des rivalités existantes, et des habitants qui se sentent écoutés mais toujours inquiets sur la prise en compte de leurs besoins. La solution trouvée a été la mise en place de groupes de coopération pour coconstruire des projets concrets dans le quartier. L’ouverture vers l’extérieur est ainsi garantie et le sentiment d’isolement limité. L’albatros est choisi comme lieu de mise en pratique des projets, un cadre commence à se dessiner, c’est la deuxième phase du projet.

2010 – 2012 :  Les débuts du collectif Albatros

Septembre 2010, un groupe se structure et fonde le « collectif Albatros », avec un fort accent mis sur la co-construction des projets entre membres. Le mode de fonctionnement démocratique instauré vise à éviter que le collectif ne devienne un simple fournisseur de services pour les usagers, un « supermarché de propositions ». Une part importante est donnée à la gestion des conflits et à la reconnaissance de la légitimé de chaque membre.

Pour la gestion pratique et les subventions, l’APAP prend la gestion du quotidien mais elle ne chapote pas la vie du projet et ses évolutions.

Sa première action d’ampleur est l’accompagnement des enfants. En lien avec les écoles et les acteurs locaux, plus de 200 enfants auront été inscrits dans le collectif. Il ne s’agit pas que de proposer de l’aide aux devoirs mais de créer un véritable réseau pour ces enfants et pour les parents. Les étudiants du quartier participent au projet et les mères s’organisent sur ce temps et effectuent également des activités. Au-delà des enfants, les jeunes aussi se fédèrent et planifient des événements. Leur accompagnement est d’ailleurs un des points centraux du projet.

L’outil a été créé, les habitants s’en sont saisis. Il doit rester souple et fluctuant pour permettre de s’adapter à chacun. Chaque semaine, le groupe se réunit d’une manière ou d’une autre. Ces espaces de rencontre et les réunions régulières permettent d’échanger et réguler les propositions. Toutefois, certains membres, comme les policiers municipaux, ont plus de difficulté à trouver leur place. Cela dit, les acteurs qui n’ont pas comme fonction la relation, sont moins présents au quotidien mais participent toujours sur des sujets spécifiques. La question de l’autorité et de la légitimité est centrale dans les discussions. Pour autant, le collectif avance.

Les conflits représentent une part importante de la vie du collectif. Une association d’artiste, par exemple, a proposé de travailler avec le collectif. Mais l’épisode d’une réunion organisée sans le régulateur, Bruno Deffontaines, vient mettre à mal le principe de co-construction et créer un malaise. Cet exemple, important, est celui d’une réunion organisée pour un projet en parallèle du collectif, où la majorité des acteurs a été conviée sauf le régulateur. C’est l’exemple d’une perception où l’intervenant est vu comme « trop présent » et où le collectif veut s’auto-gérer mais pas coconstruire.

Ce ne sera toutefois pas la fin du projet, qui continuera d’évoluer.

2012 : Les émeutes et leurs conséquences sur le projet

En août 2012, Amiens a connu un épisode d’émeutes qui s’est cristallisé dans la nuit du 13 au 14 août par la destruction d’une école et une salle de sport. Cet épisode a eu un impact majeur sur le quartier, exacerbant les tensions et les clivages présents entre les différents acteurs. Elle a mis en lumière les défis sur la sécurité et la présence professionnelle dans l’espace public. La reprise des activités du collectif a été marquée par un besoin d’échange et d’engagement.

Des distances ont été prises avec l’association qui gère la trésorerie et les subventions du projet, du fait de tensions entre les uns et les autres.

Amiens est choisie comme territoire pilote pour mener une politique publique générale, et de nombreuses visites de ministres et d’officiels ont lieu dans les mois à venir. L’absence de professionnels dans l’espace public a contribué à l’insécurité, mais la présence brutale d’officiels n’arrange pas les choses directement.

Il est donc fait la proposition au collectif de rassembler les acteurs autour de la question de la présence dans l’espace public, qu’elle soit officielle ou non. Une dynamique collective est renforcée, notamment par la présence des institutionnels et des associatifs. Mis en place en 2011, les repas partagés sont poursuivis en 2012. Des repas sont organisés chaque mardi, et un gros repas mensuel est organisé par les femmes du quartier.

Des habitants ont quitté le quartier suite aux émeutes, mais de nouvelles personnes s’impliquent. Le projet est organique, il vit.

2013-2014 :    Le collectif Albatros, le quartier vit, un projet de ville se dessine pour les municipales

Un groupe de travail est créé, en 2013, pour favoriser la collaboration entre habitants, associations et institutions dans le quartier. Ce groupe est composé de 60 acteurs (1/3 d’habitants, 1/3 d’associatifs, 1/3 d’institutionnels), les thèmes centraux sont le respect, la citoyenneté, l’injustice et le construire ensemble. Les difficultés persistent, un paradoxe se créée entre la lassitude d’une grande partie des participants, et la volonté de changer et de bouger. Ce sentiment survient à la suite des émeutes.

Pourtant, le collectif avance. Le groupe formule des propositions concrète pour améliorer la vie dans le quartier, certaines sont évidemment abandonnées faute de portage sérieux, mais d’autres sont menées à terme. On peut citer par exemple un projet sur les relations police-jeunes lancée en 2015, soutenu par la Préfecture. Un autre, en lien avec la préfecture et la mairie, sur la question de la transversalité entre les acteurs de terrain qui travaillent avec les jeunes et l’analyse des pratiques.

À l’Automne 2013, les assises de la politique de la ville mettent en lumière l’importance de la participation des habitants. La légitimité du projet est ainsi validée. Cependant la période électorale ne permet pas à la ville de pérenniser notre initiative. Il faudra attendre 2016 pour valider.

Entre temps, l’association réintègre le collectif de manière plus distanciée. Les activités d’accompagnement scolaire continuent, mais ne se développement plus. Les rencontres du collectif continuent. Des tensions persistent autour de la gestion de l’espace et des ressources. Des ateliers s’ouvrent pour accueillir les habitants en difficulté, mais il est difficile de maintenir de l’engagement sur le long terme.

Les participants ont peur que le collectif meure au printemps 2014, après les élections. Il faut réfléchir à l’après si le projet n’est plus financé. 

2014 – 2015 :  L’après municipales

23 et 30 mars 2014. Les municipales ont lieu. Changement de municipalité et nouvelle équipe, la gauche fait place au centre. La transition politique entraine retards et incertitudes sur le financement et le soutien des initiatives. Un engagement verbal est donné pour poursuivre le projet, mais des complications s’installent. Entre temps, le cabinet Deffontaines annonce son départ du projet pour juin 2015. De nouveaux défis se présentent.

Une formation d’analyse des pratiques professionnelles pour les médiateurs sociaux, animateurs jeunesse et animateurs sportifs se met en place. Elle avait été décidée précédemment, mais commence à partir d’octobre 2014 avec un groupe de 12 personnes. Des tensions sont engendrées, mais la formation est menée à terme. Un groupe de chefs de services, afin qu’ils comprennent les enjeux de la formation, est mis en place en avril 2015 et se réunit quatre fois.

Le projet d’amélioration des relations entre jeunes et policiers, imaginé en mai 2013, est mis en œuvre début 2015. Un groupe de six jeunes et sept policiers se réunissent pendant quatre demi-journées. L’objectif est de favoriser la rencontre et construire des alternatives d’expression. En plus des questions de préventions, différents sujets plus profonds sont abordés. En ressortent des réflexions sur la question du pouvoir et de l’impuissance, les rapports de force, la liberté de parole. Au-delà des propositions, une campagne de communication est proposée, une fête autour de la prévention ou encore un concours de création de mini-clips par les jeunes. Les propositions faites par le groupe sont financées par l’État, le projet se poursuit en 2015-2016, le groupe de jeunes et de policiers se constituant en comité de suivi.  Malheureusement, les attentats du bataclan surviennent et le projet, qui avait pour objectif de se développer à grande échelle, est mis à l’arrêt.

En parallèle, le collectif Albatros continue de fonctionner. En janvier 2015 une association est créée, avec un bureau resserré, pour accéder à des financements. Les réunions continuent chaque semaine pour débattre des actions du collectif. Les enjeux de pouvoir et de démocratie sont centraux.

Comme prévu, le cabinet Deffontaines a quitté le projet en 2016. Le collectif albatros existe toujours mais fonctionne différemment.

LES CONCLUSIONS

Les clivages

L’un des points majeurs de cette expérience, et qui a jalonné sa progression du début à la fin, c’est la présence de clivages et la complexité des relations entre acteurs. Les clivages ont une fonction importante dans notre société, ils se reflètent donc nécessairement à l’échelle d’un collectif ou d’un quartier. Les relations au sein d’un collectif sont marquées par des enjeux émotionnels et stratégiques, avec des alliances fluctuantes. La dynamique de pouvoir et les tensions interpersonnelles influencent le fonctionnement du groupe.

Les clans se forment et se déforment selon les intérêts personnels. Les enjeux de reconnaissance et de légitimité sont centraux dans les interactions. La fragilité de l’association nécessite une attention particulière pour éviter les dérives.

Réseaux & méritocratie

Les réseaux d’appartenance jouent un rôle crucial dans la réussite individuelle et collective au sein des quartiers, souvent en opposition à la méritocratie. Ils peuvent offrir soutien et opportunités, mais aussi créer des inégalités et des sentiments d’injustice. L’appartenance à un groupe procure reconnaissance et sécurité, et les réseaux facilitent l’accès à l’emploi, là où le manque de réseau constitue un obstacle majeur. Les pratiques de copinage et de favoritisme dans les recrutements alimentent la défiance envers les institutions. Les réseaux déviants prospèrent malgré la répression, offrant des alternative économiques. La création d’une fraternité pourrait contrer les effets négatifs des réseaux dits mercantiles, axés autour du don et de la dette.

Quant à elle, la méritocratie repose sur l’idée que le travail acharné mène à la réussite. Les inégalités d’environnement influencent directement les chances de succès. De nombreux diplômés peinent à s’insérer sur le marché du travail, alimentant le scepticisme envers l’effort. La rigidité du système éducatif privilégie la docilité au détriment de la créativité. La confrontation entre méritocratie et réseaux crée des tensions idéologiques. Ce modèle peut se retrouver au sein même des familles, avec un enfant « modèle » et d’autres enfants qui n’arrivent pas à se plier au cadre. Une étude sur la réussite éducative en lien avec l’environnement familial pourrait être pertinente.

La légitimité des acteurs dans le quartier

La question de la légitimité des acteurs, qu’ils soient habitants ou intervenants extérieurs, est centrale dans les dynamiques du pouvoir au sein des quartiers. Les « sachants » et « connaissants » coexistent souvent dans une méfiance mutuelle. Les « sachants » possèdent un savoir théorique souvent perçu comme condescendant par les habitants, là où lest « connaissants » ont une légitimité basée sur leur expérience vécue dans le quartier. De la tension de ces deux groupes résulte une cascade de conflits et d’incompréhensions. Il faut reconnaitre la subjectivité de chaque acteur pour favoriser leur coopération.

L’égocentrisme et le don de soi sont mêlés en permanence dans l’action des acteurs de terrain. La coopération entre acteurs demande d’accepter d’entrer dans la complexité et l’ambivalence de chacun, y compris de soi-même.

Compétition et enjeux de pouvoir dans les relations

Les relations entre acteurs du quartier sont marquées par la compétition et les enjeux de pouvoirs, souvent évincés des discussions ouvertes et non mentionnés. La compétition est pourtant présente dans le financement et les projets associatifs. En parallèle, c’est toute la question de la virilité et de la place de l’homme dans les milieux collectifs qui est à étudier. Les acteurs établissent des alliances stratégiques pour maintenir leur pouvoir, et la peur l’intimidation peuvent influencer les comportements des habitants. La nécessité d’une approche collaborative est essentielle pour surmonter ces tensions. Notons par ailleurs que le milieu associatif en lui-même ne peut plus être aussi spontané qu’auparavant. En ce sens qu’il nécessite plus d’énergie et de structure, puisque pour survivre il faut être compétitif.  Difficile donc de recourir à l’immédiateté.

La méfiance

Les rapports entre acteurs du quartier, habitants, associations, politiques et responsables institutionnels est marqué par un mélange de méfiance, connivences, indifférences et intérêts personnels. L’information étant une forme de pouvoir, le réseau est essentiel. Et tous les acteurs n’ont pas la même forme de réseau.

Trouver la justesse et la souplesse entre idéologie et mise en pratique dans une discours entendable pour chacun, permettrait de redonner confiance aux uns et aux autres. Mais la pratique est bien différente. C’est tout l’enjeu du travail de terrain qui a été mené, visant à apporter à tous le même niveau d’implication et d’information.

Le temps

Le rapport au temps est primordial lors de la construction du collectif. Il faut accepter que tous ne soient pas sur le même temps. Les institutions françaises fonctionnent les unes à côté des autres, hiérarchisées, verticales, elles ne sont donc par définition pas sur le même mode de fonctionnement qu’un collectif. Au sein d’un collectif même, la notion de temps est primordiale. Tous ne sont pas disponibles au même moment, tous n’ont pas le même temps à consacrer. Le besoin de réactivité n’a jamais été aussi grand et les normes aussi codifiées. Le travail supplémentaire de chacun pour respecter les procédures crée de la surcharge. L’animateur a pour rôle de cadrer ce temps, et de trouver un compromis.

Apprendre la démocratie représentative et la démocratie participative

La coexistence de la démocratie participative et représentative est essentielle pour impliquer les citoyens dans les décisions qui les concernent. La reconnaissance des besoins des habitants est cruciale pour restaurer la confiance dans les institutions. La légitimité de chacun se pose quand on aborde le sujet de la démocratie.

Les quartiers populaires ne sont pas à l’écart de ces débats autour de la démocratie, pour autant le sentiment d’être le sujet sans être l’acteur du débat est bien présent. La question primordiale est de donner de la place aux personnes qui se sentent délaissées. Leur redonner la parole, les extraire de l’oubli.

La mise en place d’un conseil citoyen est une idée, mais elle n’est pas l’alpha et l’omega. Les quartiers populaires ressentent souvent un décalage entre les discours politiques et leurs réalités.

Un changement radical est nécessaire pour concilier les acteurs et restaurer la confiance. Attention toutefois, chacun a son expertise, il ne s’agit par de mettre les acteurs de terrain et les habitants dans une forme de toute puissance. Il faut trouver la place. Mais quelle place ?

Un bilan

Au-delà des chiffres, ce travail a permis de créer des collectifs (comme celui de l’Albatros principalement), de nouer des alliances improbables, d’ouvrir des espaces de parole et d’espoir dans un quartier souvent qualifié de « prioritaire » voire « à problèmes ». Il a aussi permis d’interroger les institutions sur leurs pratiques et limites.

Au-delà de tout ça, au-delà des actions concrètes, le processus lui-même est devenu une transformation : celle des regards, des postures, des modes d’engagement. Une tentative de réhumanisation du lien social, dans une société fragmentée, a été menée.

Le projet démontrer qu’une transformation collective ne se décrète pas, elle se tisse patiemment par la reconnaissance mutuelle, la traversée des conflits, et le pari de la coopération. Il en ressort une conviction forte : la démocratie locale ne peut émerger que si l’on accepte la complexité humaine comme point de départ du changement.

Ces jeunes qui bousculent la société : bâtir demain ensemble

Dans un monde de plus en plus polarisé, la question des jeunesses, à envisager comme un groupe hétérogène et pluriel, est de plus en plus importante. Comment traiter cette question sans arriver avec des préjugés ou avec un argument d’autorité ? Comment faire travailler « les jeunes » ensemble, peu importe leur milieu social, culturel, religieux, politique, etc,… afin de comprendre leurs attentes et leur perception du monde ? Comment faire en sorte de rendre le monde du travail plus accueillant pour les adultes de demain ? Autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre avec ce projet.

Les oubliés de la politique: co-construire demain ensemble

Depuis quelques années un sentiment d’abandon se propage chez une partie grandissante de la population. Ce sentiment, couplé à celui du déclassement, est également corollaire d’une montée des extrêmes et d’une méfiance envers la politique et les institutions. Dans un monde à l’avenir incertain, un climat social, économique, sanitaire et écologique tendu, comment comprendre, identifier, et co-construire l’avenir avec ceux et celles qui se définissent “oubliés” de la politique ?

Quel projet pour déconstruire et comprendre la méfiance envers la politique ?

I- Interroger les causes du phénomène et sortir de ses préjugés

L’ampleur que prend le phénomène de décrochage avec la politique et de défiance interroge légitimement. Quels profils ont les “oubliés de la politique? Quelle formation ? Quelle catégorie d’emploi? Quelle place dans la société ? Quelle projection ces oubliés ont ils d’eux-mêmes et quelle est celle que les autres ont d’eux ?

Ces personnes, il ne faut pas les voir comme des extrêmes, mais plutôt comme des “fâchés” à ne pas éloigner encore plus. Les comprendre c’est un premier pas pour leur proposer une solution. Au delà de positions parfois problématiques, comment ces personnes en sont arrivées là ? Autant d’interrogations que ce projet permettra de résoudre si nous le menons dans de bonnes conditions, avec un suivi et une exploitation des résultats.

Leur offrir un espace sécurisé et sécurisant afin de pouvoir s’exprimer, et pour nous de pouvoir réfléchir collectivement, c’est l’objectif.

II- Répondre en proposant un projet collectif créer un espace de dialogue

La finalité du projet proposé est de tirer des enseignements après avoir mis en dialogue des personnes avec des profils différents: ruraux, urbains, périurbains de différentes classes sociales et origines, visibles ou invisibles.

Dans ce même espace, seront également présents des acteurs, politiques ou non, qui interagissent avec eux à différents échelons et moments de leur vie. Le but étant de travailler pour dépasser les représentations et créer un espace de coopération.

Somme toute, c’est accompagner différentes personnes, de différents territoires, au sein de différents groupes.

On peut songer, par exemple, à un groupe de jeunes urbains, un groupe rural et/ou périurbain, et un groupe mixte.

La finalité c’est de ne pas s’imposer comme expert, mais comme animateur d’un débat organique et sécurisant entre les participants.

Capture d’écran 2024-11-27 à 17.39.30

III- Une organisation à taille humaine avec un veritable suivi

Il est essentiel de commencer ce travail par la mise en place d’un groupe de suivi qui a pour objet de travailler au recrutement, au suivi du dispositif et à son adaptation au fil de lot. C’est essentiel afin de ramener les “muets politiques” et créer des lieux de parole mais surtout de pensée où les seuls présents ne sont pas les convaincus.

Un travail de terrain doit être également mené pour s’ajuster au territoire et accompagner le-dit recrutement.

L’animation des groupes par site, avec la question de la taille des groupes (10? 20?), Un temps doit être également utilisé pour valoriser les retours d’expérience et des groupes, sous différents formats (Podcasts, écrits,…).

Sur le bilan et les perspectives, une véritable réflexion doit être menée afin que le projet se transforme en quelque chose d’individuel ou collectif.

IV- Quels financements ? Coûts ? Partenaires ?

Afin de mener à bien un projet de cette envergure, il est essentiel de trouver des financements. En effet, c’est environ 150 000€ à 200 000€ de financement qu’il convient de réunir afin de pouvoir développer cette initiative du début à la fin, et d’opérer un véritable suivi.

Cette somme englobe les frais de fonctionnement, environ 20 000€ par an et par espace (ce qui inclut le système local et l’intervenant), et 100 000 euros pour les frais pour l’organisateur.

Parmi les partenaires possibles, on peut naturellement s’orienter vers des financements publics (quelle strate ? département ? régional ? national?). Les partenaires privés aussi pourraient être sollicités.

Participation, engagement et légitimité

Quand on parle de faire ensemble, les questions de participation, de légitimité de chacun, d'engagement, sont à prendre en compte

Avant de parler de la participation et des questions qu’elle pose, il est nécessaire de la définir : Elle correspond aux démarches, procédures éventuelles  mises en oeuvre pour donner un rôle aux individus dans la prise de décisions les affectant.

Participer, c’est donc un engagement.

La participation pose plusieurs questions :

  • Le rapport de pouvoir : entre commanditaires et participants
  • La répartition claire des rôles, des enjeux, des limites de la participation
  • La clarté de l’intervenant sur son positionnement vis-à-vis du groupe
  • La qualification de la participation : quel statut ?
  • L’importance de la conflictualité pour construire une perception commune
  • Qui participe ?  Les volontaires ? Tous ? Si on veut un regard pluriel, comment accueillir et permettre la pluralité, la place de l’autre ?

Mais elle est souvent disqualifiée :

On peut, à ce titre parler de la démocratie participative et représentative.

Il est parfois difficile pour des élus, des dirigeants de donner ce pouvoir. Par ailleurs, c’est souvent un travail de groupe, parfois compliqué qui consiste à construire un avis et un positionnement collectif après de nombreux débats. Cet engagement ouvre une forme de responsabilité collective qui parfois n’est pas prise en compte à la hauteur du travail réalisé. Un sentiment de ne pas avoir été écouté crée de la suspicion.

 

participation 1

Participation oui, mais quand la participation remet en cause l’autorité, cela peut être difficile à accepter.

 

Un autre problème se pose lorsque l’on demande l’avis d’une population : les rapports de pouvoir des uns avec les autres qu’ils soient tacites ou non. Ce rapport de pouvoir peut influencer la parole amenant des peurs, retrait dans l’expression de certaines participants.

 

Les places, la légitimité:

La question de la participation pose la question des participants : quelle est la place de chacun ? comment dépasser les leaderships, porte-parole et permettre la pluralité pour une participation élargie ?

 

Pour répondre à ces problématiques il est nécessaire de permettre à chacun de se sentir légitime : on a le droit de s’exprimer de manière fragile, de balbutier, de ressentir des émotions autre que celles des autres. Permettre l’expression à partir de soi avec ses fragilités plutôt que d’exiger une parole qui correspond à une forme de norme dans laquelle tous ne rentrent pas.

 

Ainsi en tant que tiers animateur de la participation, il est nécessaire de prendre en compte ces différents aspects, et rester en questionnement permanent sur les places de chacun, sur la mobilisation et la démobilisation

Faciliter l’écoute au-delà de la fragilité :

Souvent la parole tue pendant des années a besoin d’accompagnement, on ne dit pas exactement ce que l’on voudrait dire. Elle commence avec des émotions et des mots maladroits. Il est donc nécessaire de les écouter pour permettre une compréhension et un accompagnement approfondi et adapté.

Développer la participation, c’est apprendre à écouter l’autre, se décentrer, lâcher avec son militantisme intérieur pour prendre la position de tiers.

Temps long de mobilisation et d’accompagnement de l’engagement

La participation ne se décrète pas. La mettre en place est un savoir-faire complexe,  elle demande du temps pour qu’elle soit représentative de toutes les parties prenantes. Si nous avons chacun nos points de vue, rester tiers engagé en tant qu’animateur est un travail de chaque instant qui permet à la parole d’émerger dans sa fragilité.

La place des invisibles : Pour leur laisser une place et leur permettre de participer, Il est primordial de comprendre l’intérêt que pourraient avoir les invisibles à s’engager dans la participation, de comprendre les peurs, les enjeux sous terrains (place, légitimité, risque de se sentir humilié)

La participation est le plus souvent pensée par des « sachants », qui ne sont pas forcément prêts à faire le pas de côté pour faciliter la place de l’autre, accepter la parole fragile, les émotions non reconnues dans son groupe d’appartenance.

Développer la participation c’est accepter de se laisser déranger.

Vivre ensemble et avec les autres

Que ce soit au nom de l’origine culturelle, de l’orientation sexuelle, de l’apparence physique, de l’âge, du genre ou encore du rapport au handicap, tout mode de discrimination est inacceptable. Ainsi, lutter contre la discrimination et en défendre les victimes peut permettre d’avantage d’égalité entre citoyens. Notamment lorsque celle-ci est remise en cause par des comportements et des positionnements qui créent une injustice.

Comment défendre ses droits et se faire accepter sans s’enfermer dans une forme de victimisation ?

Comment permettre l’acceptation par tous de sa singularité dans le quotidien ?

Notre stratégie repose sur la création de groupes de parole de personnes vivant toutes sortes de discrimination (racisme, LGBTQ+, jeunesses, etc.). Cela a pour but de se rencontrer, comprendre les problèmes auxquels chacun est confronté, et élaborer ensemble des solutions de lutte contre la discrimination à travers la connaissance et la prise en compte de chacun. L’idée est de penser la lutte contre la discrimination comme un défi général à combattre ensemble et sortir du schéma de victimisation et individualisme de chacun.

Capture d’écran 2024-01-07 à 21.04.03

Pour cela, des outils d’animation sont nécessaires :

  • La coopération :

Dépasser la peur du conflit pour coopérer afin de permettre la conflictualité dans un environnement sécurisé. L’objectif est de se dire les choses, dépasser les clivages et les tentations de radicalisation ou de pensée unique.

Cela est possible en favorisant :

    • Le dialogue
    • Une attention à la diversité et la représentativité des participants dans les groupes
    • La confrontation et le débat d’idées respectueux du narratif de l’autre pour dépasser les représentations et les préjugés
    • L’implication personnelle pour sortir d’un climat d’apathie ou de démotivation
    • La recherche pour innover ensemble dans des modes de fonctionnements agiles
    • L’exercice de contre-pouvoirs, garants de l’équilibre dans de l’organisation
  • La prise en compte de la légitimité de chacun.

Créer le cadre qui permette à chacun d’oser être soi et s’affirmer. Ainsi, permettre l’expression, au-delà des peurs, timidités, enjeux de pouvoir et leadership, tout en tenant compte de l’intérêt collectif et individuel à s’engager.

 

Mise en oeuvre:

Tout d’abord, mettre en mouvement les acteurs et les instances, instaurer un collectif au travail :

  • Mobiliser les acteurs diversifiés et représentatifs,  engagés ou invisibles afin de créer un réseau
  • Les faire se rencontrer au delà des représentations de chacun et favoriser une parole plurielle
  • Travailler à l’émergence de proposition concrètes pour permettre à chacun de se sentir d’avantage inclu et reconnu

Ensuite, écouter et prendre en compte les besoins

  • Mettre en place un plan d’actions précis qui répond aux besoins des acteurs
  • Intégrer le point de vue de chacun

  

Ces jeunesses qui questionnent la société: comment inventer demain avec elles ?  

La jeunesse vient toujours questionner le monde établi sur ses principes. Les jeunesses contemporaines ont grandi dans le chaos, elles peuvent apprendre au monde à vivre avec. Comment faire avec elles, les écouter, dans leur diversité, dans les points communs ?

Les jeunesses nous interrogent

Nous sommes interpellés à plusieurs niveaux ces derniers mois : des questions sur l’accompagnement à l’inclusion des jeunesses. 

  • Des jeunesses au travail : une forme d’incompréhension, voire d’impuissance entre jeunes et managers. 

« Comment recruter, comment encadrer et travailler avec les jeunes qui passent dans les organisations ? »

 

  • Des jeunesses de milieu rural : appel d’un proviseur de lycée technique 

« Comment recréer de l’espérance dans un espace qui semble névrosé, sans avenir, moribond ? » 

 

  • Des jeunesses qui refusent le cadre scolaire : jeunes qui se projettent champion de football dans un club professionnel 

« Comment trouver sa place entre toute puissance et impuissance ? » 

 

  • Des jeunesses en errance : émeutes du début de l’été 2023 dans les quartiers populaires. « On a perdu les jeunes » Disent certains accompagnants qui travaillent depuis des décennies dans les quartiers) 

« Comment aller vers et « retrouver » cette jeunesse et l’accompagner ? » 

 

  • Les ”invisibles“ : enjeu fort de l’inclusion, si on ne veut pas développer des formes de radicalisation diverses.  

« Comment leur permettre de se sentir inclus dans une société où aujourd’hui ils ne voient pas leur place ? » 

 

  • Les relations intergénérationnelles :  envie de faire se rencontrer les jeunes et les anciens en EHPAD.  « On veut travailler l’intergénérationnel mais on ne sait pas mobiliser la population jeune, ado dans ce travail »  

« Comment donner le désir de connaître l’autre ? »  

Ces jeunesses qui questionnent 2

Les jeunesses, un problème  ou une solution ?  

Quelques soient les représentations de chacun, on ne peut faire qu’avec elles.  

Un environnement vecteur de troubles  

 Quelques éléments de contexte à propos de notre environnement, dans lequel les jeunes baignent depuis tout petit :

 

  •  Le dérèglement climatique : 

« Est-ce que quelqu’un est préoccupé réellement chez les décideurs ? » 

« Si on ne réagit pas dans 2 ans c’est foutu. »   

Le temps passe et quelques années après, les changements sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu.  

Les jeunes ont grandi avec ces paradoxes, entre engagement individuel, parfois dans des collectifs, et passivité dans une forme d’impuissance généralisée. 

 

  • Certains médias de communication et de propagande  

Ils créent de nouveaux rapports à la connaissance : des vérités alternatives, des injonctions à croire et à se positionner, que ce soit dans la propagande de médias ou décideurs, ou de divers lobbyings.  Pas de place pour la complexité, pas de place pour douter, pas de place pour penser.   

 

  • La méritocratie et l’individualisme : 

D’une part l’ascenseur social semble en panne, mais on fait croire à chacun qu’il est entièrement responsable de sa réussite ou de son échec. L’individualisation des parcours se développe dans le milieu scolaire et universitaire. La question de l’environnement devient secondaire et le rapport au collectif n’est que très peu pris en compte.  

Dans certains milieux, la défiance envers les institutions grandit. La république perd du terrain au profit de communautarismes qu’ils soient culturels ou sociaux.  

 

  • Exister, se raconter sur les réseaux sociaux : 

Les réseaux sociaux sont devenus un espace de socialisation. Le besoin d’exister, d’être reconnu, de raconter l’histoire de sa vie et de faire collectif passe par les médias. Sans la rencontre physique, les réseaux sociaux déploient une ouverture au monde désinhibée. Ils amplifient positivement ou négativement la portée des échanges, de la reconnaissance au harcèlement violent voire à la haine.

 
 
La puissance des jeunesses :  

 

  • L’engagement : 

Il est différent selon les profils et les classes sociales, mais on ne peut parler de désengagement de la jeunesse. L’engagement des jeunesses actuelles diffèrent de celle des jeunesses précédentes. Le rapport au temps, à la rapidité, à la finitude amène un positionnement dans l’instant et moins dans la durée. Urgence climatique, positionnement politique, travail, découverte du monde, importance de l’équilibre personnel, autant de lieux où une partie de la jeunesse est très engagée. Celle-ci est particulièrement attentives aux équilibres individuels qui questionnent le mode de management des dernières décennies : Le travail n’est plus une valeur centrale mais s‘intègre dans un projet de vie.   

 

  • Le positionnement dans le rapport à l’autre : 

Un des éléments qui nous semble caractéristiques des jeunesses rencontrées est le positionnement vis-à-vis des autres. Par exemple l’intergénérationnel et le rapport de verticalité n’a plus la même prégnance que par le passé. Ainsi, ce mode de fonctionnement est souvent déroutant pour l’entreprise, les organisations pour qui l’assujettissement était la règle. Pendant revanche, dans un contexte de confiance mutuelle, la coopération et le désir de co-construction sont très présents. Peut être seraient il les maîtres de la participation ? 

A propos de nos radicalisations

Dépression, colère, indignation, espérance, ça tourne et retourne dans la tête depuis des mois, alors il est l’heure de coucher quelques mots, de chercher le sens, de provoquer peut-être, de se mettre en mouvement.

Colère, tristesse indignation, contre qui ? contre moi ? Contre les autres ? Contre les uns ?  Ce ressenti prend de l’ampleur chez chacun.

Pourquoi ? Comment ?  De ma place, à vouloir changer le monde, j’entends l’orage, l’impuissance et la colère des uns et des autres.

De Léna, de Kévin, de Rudy, de Aïsha, de Violaine, ou d’Amélie, de Cédric ou de Romain, de Mohamed, de Morgane, ou de Julien. ET DE MOI AUSSI !!

Pas de conversation sans qu’après quelques secondes, la colère explose, contre l’autre et son comportement inqualifiable, contre ce monde, les syndicats, les étudiants, les politiques, les policiers, les responsables d’entreprise, les chômeurs.

Nous avons trouvé un moyen collectif de développer la radicalisation, qu’elle soit religieuse politique, sociale même. Comment ? En ayant suivi quelques étapes scrupuleusement :

Etape 1 : Nier, éviter de voir le problème, ne rencontrer que des gens qui nous ressemblent et qui nous confirment dans nos manières de penser.

Etape 2 : Minimiser l’existence du problème évoqué par l’autre, mieux encore, le  ridiculiser,  ou diaboliser, pourquoi pas mépriser, manipuler l’information.

Etape 3 : Agir contre le moindre débordement, faire des exemples, et surtout ne rien changer à son mode de pensée, communiquer pour le renforcer.

Etape 4 : Se positionner en tant que victime.
En ayant reproduit ces 4 étapes plusieurs fois, en recommençant encore et encore. Peut-on faire autrement ? Est-ce inéluctable ? Quelques pistes pour renverser la direction:

Etape 1 : descendre de son escabeau, de son podium, de sa tour d’ivoire, de la certitude que l’on sait et que l’autre est donc forcément dans l’ignorance, ou dans une posture diabolique. Aussi facile à dire que complexe à faire, ça veut dire se rendre vulnérable, et sortir de la toute-puissance qui peut rassurer sans savoir si l’autre est prêt à faire de même. Oser l’intranquilité.

Etape 2 : Ouvrir des débats, oser des paroles, permettre à chacun de dire, y compris sa colère et sa rage, sa révolte, lui ouvrir la porte, pour essayer de comprendre (ce qui ne veut jamais dire excuser)

Etape 3 : Prendre en compte les besoins de l’autre, et ses propres besoins, construire un cadre qui permette de prendre en compte les uns et les autres. Développer les confrontations bienveillantes.

Etape 4 : Proposer un mouvement dans lequel l’autre a une part d’autonomie, de reconnaissance, dans un cadre et des limites définies, ni dans la toute-puissance ni dans le déni de sa parole.

Et si c’était ça la révolution…
Réinventons l’autorité et la démocratie.